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Santé des coquillages d’élevage
La conchyliculture prend place dans un environnement changeant peu maîtrisable par les professionnels. Les coquillages sont tributaires de la bonne qualité de l’eau mais aussi des prédateurs (araignées, dorades, etc.) et des pathogènes rencontrés dans le milieu marin. Ces pathogènes sont de nature variée : virus, bactéries et parasites protozoaires et peuvent être responsables de mortalités importantes dans les élevages de coquillages. Néanmoins, leur présence n’est pas systématiquement synonyme de maladie et de mortalité. Ils se développement et induisent des mortalités lorsqu’il y a un déséquilibre des interactions entre coquillages, agents pathogènes, environnement et pratiques culturales.
Bien entendu, ces agents pathogènes n’affectent que les coquillages et ne présentent aucun risque pour la santé humaine. Les coquillages touchés par des mortalités ne sont pas mis en vente par les professionnels.
Depuis de nombreuses années, la filière conchylicole est touchée par des épisodes de mortalités fulgurants qui fragilisent sa pérennité. Dès les années 1970 et 1980, l’apparition de deux parasites (Marteilia refringens et Bonomia ostrea) provoque la quasi-disparition des deux espèces d’huîtres endémiques de notre territoire : l’huître creuse Crassostrea angulata et l’huître plate Ostrea edulis. La filière a su néanmoins rebondir en développant l’élevage de l’huître creuse Crassostrea gigas. Elle ne fut malheureusement pas épargnée avec la détection, dès les années 1980, d’un nouveau virus de l’huître, l’herpès virus, associé à des épisodes de mortalités de naissains et juvéniles. En 2008, un génotype particulier de ce virus (OsHV-1) cause une nouvelle hausse de mortalité de 60 à 80% chez le naissain d’huîtres. Les moules sont également touchées par des épisodes de mortalités, comme ce fut le cas en 2014, dans les Pertuis Charentais et le Pertuis breton, avec la découverte de la bactérie Vibrio splendidus.
La liste est longue mais, malgré tous ces épisodes de mortalité, la filière a su s’adapter en travaillant en étroite collaboration avec le monde de la recherche et les pouvoirs publics. La bonne santé des coquillages est une des préoccupations majeures des professionnels conchylicoles.
En continuant votre lecture, vous en apprendrez davantage sur les maladies réglementées des coquillages, la surveillance des mortalités de coquillages mise en œuvre en France et les mesures appliquées par les professionnels conchylicoles pour garantir des produits sains et savoureux aux consommateurs.
Table des matières
Les maladies des coquillages : un enjeu mondial, européen et national
Le contrôle des maladies des coquillages est complexe car les coquillages sont en général élevés en milieu naturel, en contact direct avec l’environnement. Le milieu marin est un milieu ouvert, par opposition au milieu terrestre, qui ne possède pas de barrières physiques, permettant ainsi une propagation et transmission rapide des agents pathogènes. D’autres aspects propres à la conchyliculture sont également à prendre en compte comme la physiologie des coquillages, qui ne présentent pas de signes cliniques spécifiques s’ils sont touchés par une maladie, et la proximité des élevages conchylicoles avec les gisements naturels de coquillages, qui peuvent être porteurs de micro-organismes potentiellement pathogènes.
Il est donc indispensable de prévenir en amont l’introduction et la propagation de ces maladies pour en limiter l’impact sur les coquillages d’élevage. Les textes réglementaires jouent ce rôle et leur mise en œuvre, par les pouvoirs publics et la filière conchylicole, permet de maintenir des productions conchylicoles durables et perpétuer leur rôle de sentinelle de l’état de santé des écosystèmes côtiers.
A l’échelle mondiale
Les principes de la surveillance des maladies chez les animaux aquatiques sont décrits au niveau international par le Code sanitaire pour les animaux aquatiques de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA).
Sont listées par l’OMSA, dans la catégorie des maladies des mollusques, les maladies suivantes :
Organismes pathogènes à déclaration obligatoire | Espèces hôtes sensibles |
Bonamia ostreae | Huître plate australienne (Ostrea angasi), huître plate du Chili (O. chilensis), huître plate européenne (O. edulis), huître plate d’Argentine (O. puelchana) |
Bonamia exitiosa | Huître plate australienne (O. angasi), huître plate du Chili (O. chilensis), huître plate européenne (O. edulis) |
Marteilia refringens | Huître plate australienne (O. angasi), huître plate du Chili (O. chilensis), huître asiatique (O. denselammellosa), huître plate européenne (O. edulis), huître plate d’Argentine (O. puelchana), moule commune (Mytilus edulis), moule méditerranéenne (M. galloprovincialis), couteau droit européen (Solen marginatus), petite praire (Chamelea gallina) |
Perkinsus marinus | Huître japonaise (Crassostrea gigas), huître de l’Atlantique (C. virginica), huître de Suminoe (C. ariakensis), huître des Caraïbes (C. rhizophorae), huître de Cortez (C. corteziensis), mye des sables (Mya arenaria), telline de la Baltique (Macoma balthica) |
Perkinsus olseni | Coque (Austrovenus stutchburyi), bénitier allongé (Tridacna maxima), bénitier crocus (T. crocea), Pitar rostrata, palourde japonaise (Ruditapes philippinarum), palourde européenne (R. decussatus), ormeau australien à lèvres noires (Haliotis rubra), ormeau australien à lèvres vertes (H. laevigata), H. cyclobates, H. scalaris, Anadara trapezia, huître japonaise (C. gigas), C. ariakensis, C. sikamea, huître perlière (Pinctada margaritifera), P. martensii |
Xenohaliotiscaliforniensis | Ormeau noir (Haliotis cracherodii), ormeau blanc (H. sorenseni), ormeau rouge (H. rufescens), ormeau européen (H. tuberculata), ormeau rose (H. corrugata), ormeau vert (H. fulgens), ormeau plat (H. wallalensis), ormeau japonais (H. discus-hannai), petit ormeau (H. diversicolor supertexta) |
Herpèsvirus de l’ormeau | Ormeau australien à lèvres vertes (H. laevigata) et noires (H. rubra), H. diversicolor |
La France est membre de l’OMSA. Ainsi, elle a pour obligation de notifier à l’OMSA, dans un délai de 24 heures :
- La première apparition d’une maladie listée,
- La réapparition d’une maladie listée après extinction du précédant foyer infectieux,
- La première apparition d’une nouvelle souche d’un agent pathogène responsable d’une maladie listée ;
- De façon soudaine et inattendue, un changement dans la distribution ou une augmentation de l’incidence, de la virulence, de la morbidité ou de la mortalité liée à l’agent pathogène responsable d’une maladie listée ;
- L’apparition d’une maladie listée chez une nouvelle espèce hôte.
Ces notifications sont envoyées via le système mondial d’information zoosanitaire (WAHIS). La France doit aussi fournir des informations sur les mesures prises pour empêcher la propagation des maladies (mesures de quarantaine, circulation des animaux aquatiques, etc.).
Pour plus d’informations, vous pouvez consulter les ressources suivantes :
- Code sanitaire pour les animaux aquatiques de l’Organisation mondiale de la santé animale disponible ICI.
A l’échelle européenne
Dans l’Union Européenne, les règles relatives à la santé animales sont regroupées dans le règlement (UE) 2016/429 nommé « Loi de Santé Animale (LSA) ». Ce règlement a plusieurs objectifs :
- Fixer les modalités de prévention et d’éradication des maladies animales transmissibles et renforcer la biosécurité,
- Clarifier les responsabilités des opérateurs, des vétérinaires, des laboratoires et des autorités compétentes dans la gestion des maladies,
- Faciliter le commerce entre Etats membres en protégeant la santé et la sécurité sanitaire des cheptels.
Dans le cadre de la LSA, les maladies sont classées en catégories qui se distinguent en fonction des mesures de gestion à mettre en place :
Catégorie | Définition |
A | Maladie normalement absente de l’Union Européenne, éradication immédiate (plan d’urgence) |
B | Maladie devant être contrôlée par tous les Etats membres, éradication obligatoire |
C | Maladie soumise à contrôle volontaire des Etats membres, éradication facultative |
D | Maladie pour laquelle des restrictions aux mouvements entre Etats membres s’appliquent |
E | Maladie soumise à surveillance |
Les combinaisons de catégories sont possibles. Ainsi pour les maladies des coquillages, nous trouvons les catégorisations suivantes :
Classification | Maladies | Obligations |
ADE | Infection à Microcytos mackini Infection à Perkinsus marinus | Obligation de déclaration, de surveillance, de prévention, de certification. Ce sont les maladies à PISU (Plan d’Intervention Sanitaire d’Urgence) pour une éradication immédiate dès détection |
BDE | Obligation de déclaration, de surveillance, de prévention, de certification, d’éradication | |
CDE | Obligation de déclaration, de surveillance, de prévention et de certification, mais l’éradication est facultative. | |
DE | Infection à Bonamia exitiosa Infection à Bonamia ostreae Infection à Marteilia refringens | Obligation de déclaration, de surveillance et de certification |
E | Obligation de déclaration et de surveillance |
Pour plus d’informations, vous pouvez consulter les ressources suivantes :
- Synthèse du règlement (UE) 2016/429 – la législation de l’Union Européenne sur la santé animale disponible ICI.
A l’échelle nationale
Les obligations européennes en termes de santé animale sont retranscrites dans le code rural et de la pêche maritime. L’Etat français a notamment classé la liste des dangers zoosanitaires en catégorie pour les espèces animales dans l’arrêté du 29 juillet 2013 relatif à la définition des dangers sanitaires de première et deuxième catégorie pour les espèces animales :
- Les dangers zoosanitaires de première catégorie sont ceux qui étant de nature, par leur nouveauté, leur apparition ou persistance, à porter une atteinte grave à la santé publique ou à la santé des animaux à l’état sauvage ou domestique ou à mettre gravement en cause, par voie directe ou par les perturbations des échanges commerciaux qu’ils provoquent, les capacités de production d’une filière animale, font l’objet, dans un but d’intérêt général, de mesures de prévention, de surveillance ou de lutte rendues obligatoires par l’autorité administrative,
- Les dangers zoosanitaires de deuxième catégorie sont les autres dangers sanitaires pour lesquels il peut être nécessaire, dans un but d’intérêt collectif, de mettre en œuvre des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte définies par l’autorité administrative.
Ainsi, nous retrouvons les dangers sanitaires suivants pour les coquillages :
Dénomination | Danger sanitaire visé | Espèces visées | Catégorie |
Infection à Bonamia exitiosa | Bonamia exitiosa | Huîtres plates (australienne et du Chili) | Première catégorie |
Infection à Bonamia ostreae | Bonamia ostreae | Huîtres plates (européenne, australienne, du Chili, du Pacifique, asiatique et d’Argentine) | Première catégorie |
Infection à Marteilia refringens | Marteilia refringens | Huîtres plates (australienne, du Chili, européenne, d’Argentine) et moule (commune et méditerranéenne) | Première catégorie |
Infection à Perkinsus marinus | Perkinsus marinus | Huîtres japonaises et de l’Atlantique | Première catégorie |
Infection à Microcytos mackini | Microcytos mackini | Huîtres plates (européenne et du Pacifique), huîtres japonaises et de l’Atlantique | Première catégorie |
La surveillance officielle des maladies des coquillages en France
La surveillance de l’état de santé des coquillages du littoral français, qu’ils soient en gisements naturels ou en élevage, répond aux dispositions de la réglementation internationale, européenne et française.
Cette surveillance vise principalement à détecter tout signe de maladie et toute hausse anormale de mortalité via le réseau REPAMO, REseau de surveillance des PAthologies des MOllusques. Ce réseau, créé en 1992, assure une mission réglementaire et de service public déléguée par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation via la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL). Sa mise en œuvre a été reprise en 2022 par les interprofessions de la conchyliculture et de la pêche professionnelle après appel d’offre du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.
Les objectifs du réseau REPAMO sont de :
- Surveiller l’état de santé des coquillages du littoral français et d’en dresser une image de référence,
- Détecter et identifier le plus précocement possible l’introduction d’agents pathogènes réglementés ou émergent associés aux épisodes de mortalité des coquillages,
- Surveiller l’évolution de ceux déjà présents sur le territoire national.
Ce réseau aide la filière conchylicole et les autorités compétentes à mettre en œuvre, si cela est possible, des actions visant à limiter la propagation des maladies. Il s’agit d’une surveillance évènementielle s’appuyant sur la déclaration obligatoire des hausses de mortalité de coquillages par les conchyliculteurs et les pêcheurs auprès des CRC et des Comités Régionaux des Pêches et des Elevages Marins (CRPMEM). Cette surveillance est basée sur un découpage du littoral en 123 zones.
Ainsi, en cas de mortalités anormales sur leurs élevages, les conchyliculteurs réalisent une déclaration de mortalité depuis le site : www.repamo.fr. Ils prélèvement, en parallèle, des coquillages qui seront envoyés, après échange avec les CRC, auprès de laboratoires d’analyses agréés. Ces coquillages prélevés font l’objet d’analyses afin de rechercher la présence d’agents infectieux, en particulier exotiques et/ou émergents.
Les organismes pathogènes recherchés sur les mollusques bivalves sont :
- Les maladies à déclaration obligatoire au niveau national de première catégorie ;
- Les infections à déclaration obligatoire au sein de l’Union Européenne ;
- Les infections listées au niveau international.
Outre, les agents pathogènes règlementés, d’autres agents sont problématiques pour la filière et peuvent provoquer des mortalités massives de coquillages. Il s’agit entre autres des bactéries Vibrio aestuarinaus et Vibrio splendidus, du virus de l’Herpès, etc. Selon les besoins et les situations, des analyses supplémentaires pour les détecter sont réalisées par la filière conchylicole.
Ces agents infectieux sont recherchés soit par des analyses histologiques soit pas des analyses PCR. Pour cela, il existe deux réseaux de laboratoires : 8 laboratoires sont agréés pour la recherche de l’herpès virus OsHV-1 et de bactéries appartenant au genre Vibrio chez les mollusques marins tandis que 2 laboratoires sont agréés en histo-cytopathologie des maladies des mollusques marins. L’activités de ces laboratoires agréés est coordonné par le Laboratoire National de Référence (LNR) IFREMER LGPMM La Tremblade.
Pour plus d’informations, vous pouvez consulter les ressources suivantes :
- Présentation de la reprise du réseau REPAMO par les interprofessions de la conchyliculture et de la pêche professionnelle disponible ICI,
- Instruction technique DGAL/SDSNEA/2022-928 du 21 décembre 2022 relative au REPAMO – dispositif de surveillance de la mortalité des mollusques marins disponible ICI,
Description des agents pathogènes affectant les mollusques marins disponible ICI
Les garanties zoosanitaires au sein des entreprises conchylicoles
Les professionnels conchylicoles surveillent la bonne santé de leurs coquillages à toutes les étapes d’élevage. Ils mettent en œuvre des itinéraires techniques et des pratiques d’élevage adaptés aux productions en termes de densité, saisonnalité, etc. et identifient tout épisode anormale de mortalité. L’ensemble de ces informations sont transmises aux pouvoirs publics au travers de différentes procédures décrites dans les paragraphes suivants.
L’obtention d’un agrément zoosanitaire
Pour mettre sur le marché des coquillages d’élevage, les entreprises conchylicoles doivent disposer d’un agrément zoosanitaire. Cet agrément est indispensable à toute activité pouvant entraîner un risque de propagation des maladies et des agents pathogènes associés.
La demande d’agrément est réalisée par l’entreprise conchylicole auprès des pouvoirs publics et plus précisément auprès des Directions départementales de la protection des populations (DDPP). L’entreprise doit transmettre les informations suivantes pour garantir sa bonne maîtrise des risques zoosanitaires au sein de son établissement :
- Enregistrement des mouvements d’animaux,
- Déclaration des hausses de mortalités inexpliquées,
- Analyse des risques zoosanitaires au sein de l’entreprise,
- Application des bonnes pratiques zoosanitaire en conchyliculture,
- Mise en œuvre éventuelle, selon l’analyse des risques, d’un plan de surveillance zoosanitaire.
Les établissements agréés dans le domaine de l’aquaculture sont listés sur le site du ministère de l’Agriculture disponible ICI.
La traçabilité zoosanitaire des mouvements de coquillages
Une autre mesure essentielle pour limiter la propagation des maladies et garantir la bonne santé des coquillages d’élevage français est le suivi des mouvements de coquillages au sein de l’Union Européenne.
Ainsi, tout transfert de coquillages est enregistré par les entreprises conchylicoles sur le site TRACES (Trade Control and Expert System). Ce système est un outil de gestion des mouvements d’animaux et des produits d’origine animale tant en dehors et au sein de l’Union européenne. En fonction du statut zoosanitaire des zones d’échange (statut du pays de provenance et de destination), les échanges sont encadrés par un certificat sanitaire ou une simple notification dans TRACES.
Pour plus d’informations, vous pouvez consulter les ressources suivantes :
- Instruction technique DGAL/SDSBEA du 9 janvier 2024 relative aux mouvements intra-UE d’animaux aquatiques vivants disponible ICI.
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